Le portail de données de TSP

TSP Data Portal

J’ai lancé il y a un an et demi un petit chantier au sein du Shift pour mettre en ligne un portail de données sur l’énergie et le climat. Pour le réaliser, nous avons utilisé Qlikview, un logiciel de Business Intelligence très puissant, qui permet une ergonomie très souple pour véritablement « naviguer » dans les données multidimensionnelles et que j’ai eu l’occasion de découvrir dans ma vie d’avant. Qlikview est un bombe mais il coûte aussi très cher. La licence de la version serveur dont nous avions besoin coûte 50 k€ HT + 10 k€ / an. Heureusement, nous avons pu l’obtenir gratuitement grâce au programme “Change Their World” de l’éditeur qui offre des licences aux ONG qui œuvrent pour l’intérêt général.

Le portail est maintenant en ligne, il est (presque totalement) débogué et permet de naviguer à travers un certain nombre de jeux de données publiques sur l’énergie et le climat pour répondre à des questions comme : Quelle est la production de charbon en Chine ? Depuis quelle date les Etats-Unis sont-ils importateurs de pétrole ? Qui sont les 20 plus gros émetteurs de GES dans le monde ? L’Egypte est-elle importatrice ou exportatrice nette d’énergie ? Quelle est la part du nucléaire dans le mixe électrique Suédois ? Le scénario de l’AIE est-il compatible avec des ressources ultimes de 4000 Gb ?

Toutes ces questions trouvent leur réponse en trois clics sur tsp-data-portal.org. Les données peuvent ensuite être facilement exportées en image ou partagées sur les réseaux sociaux (twitter, facebook, blogs).

Le site contient aujourd’hui une vingtaine de jeux de données répartis en trois grandes catégories :
– statistiques sur l’énergie primaire et l’électricité
– climat (émissions de GES par pays et par secteur, par exemple)
– scénarios énergétiques et extrapolations

Il s’adresse à tous les professionnels de l’énergie et du climat qui utilisent régulièrement des données en lien avec ces sujets (ONG, conférenciers, consultants, conseillers), mais également à toutes les personnes qui peuvent s’intéresser à ces sujets à titre personnel.

Ce portail se veut une plateforme collaborative : tout le monde peut proposer une idée de graphique et, pour peu que vous ayez accès aux données à mettre en ligne, vous pouvez devenir l’auteur d’un nouveau jeu de données sur le portail. D’ailleurs, certains graphiques sont l’œuvre de personnes extérieures à l’équipe du Shift.

Voici un aperçu dynamique (encapsulé dans le présent site) des données historiques de production d’énergie primaire depuis le début du 20ème siècle. Bonne navigation !

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L’AIE n’a jamais annoncé le Peak Oil pour le conventionnel en 2006 !

On l’a souvent dit et il m’est arrivé moi-même de le relayer : l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) aurait annoncé dans le World Energy Outlook (WEO) de 2010 que le pic de production du pétrole conventionnel a eu lieu en 2006. Ce n’est pas tout à fait exact. Décryptage.

Dans le WEO 2010, l’AIE présente trois scénarios :

  • Current Policies (scénario dit “Business As Usual” (BAU) ou tendanciel)
  • New Policies (scénario exploratoire qui prend en compte la mise en œuvre de toutes les nouvelles politiques énergétiques qui ont été annoncées, en supposant qu’elles sont effectivement appliquées)
  • 450 (pour 450 ppm de CO2, scénario normatif ou “backcasting” qui vise à ne pas dépasser les 2°C d’augmentation de la température).

Le scénario “BAU” a longtemps été le scénario de référence de l’AIE, mais en 2010, c’est le scénario intermédiaire qui joue ce rôle, et c’est dans ce dernier que l’AIE évoque un maximum historique de production en 2006 :

Dans le scénario “Nouvelles Politiques”, […] la production de pétrole brut se stabilise plus ou moins autour de 68-60 Mb/j à l’horizon 2020, mais ne retrouve jamais le niveau record de 70 Mb/j qu’elle a atteint en 2006, tandis que la production de liquides de gaz naturel (LGN) et de pétrole non conventionnel connaît un vif essor.

Dans ce scénario, les raisons d’un pic en 2006 ne sont pas des raisons géologiques, mais politiques. C’est avec cette nuance qu’il faut comprendre cette assertion. L’AIE ne dit pas qu’il est matériellement impossible d’extraire plus de pétrole chaque année, mais que les mesures annoncées par les états pour limiter leur consommation, si elles sont tenues, ont pour effet de ne pas avoir besoin de trop “tirer sur la paille”. C’est une nuance de taille car comme dirait Lapalisse, ce qui caractérise l’avenir, c’est qu’il n’a pas encore eu lieu (c’est même sa définition, je dirais). Et comme il n’a pas encore eu lieu, il est encore temps de le modifier plus ou moins. En l’occurrence, la mise en œuvre des mesures annoncées par les états n’est en rien acquise : personne n’est capable de dire si le futur ressemblera plus au scénario “New policies” ou “450” qu’au scénario “Current policies”. Le Peak Oil n’a donc pas forcément eu lieu.

Le fait que le scénario “New policies” soit considéré comme le scénario de référence alors que jusqu’ici, c’était le BAU qui tenait ce rôle y est pour beaucoup dans ce malentendu. D’ailleurs, on ne trouve dans les communiqués de l’AIE que le graphe de ce scénario (ci-dessous) et pas celui du scénario BAU.

Juste après la sortie du WEO, la nouvelle que le peak oil était passé a été annoncée ici et , et j’ai moi-même retenu ce message en l’état jusqu’à ce qu’une source proche de la fameuse institution me démente. J’ai également su que l’AIE s’est posé la question de faire un communiqué pour corriger le tir, mais ne l’a finalement pas fait. Pourquoi ? Aucune idée…

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Scénarios énergétiques : boule de cristal ou science dure ?

Logo Centrale Energies

J’aurai le plaisir d’animer la prochaine conférence de Centrale Energies le 13 mars à l’ASIEM sur le thème des scénarios énergétiques (de 19h à 21h, au 6 rue Albert de Lapparent, Paris 7e, inscription ici).

En voici le pitch :

Les scénarios énergétiques sont des outils d’aide à la décision pour les dirigeants d’entreprise et les hommes politiques. Bien comprendre ce qu’ils veulent dire mais surtout ce qu’ils ne prétendent pas dire est donc stratégique.

Or dans l’univers des publications, l’objet « scénario énergétique » est très variable en termes de périmètre, de complexité, de rigueur et de messages véhiculés. Pour y voir plus clair, The Shift Project a entrepris d’effectuer une analyse comparée de quatre publications majeures : AIE (Agence Internationale de l’Energie), EIA (Energy Information Agency), Greenpeace et WWF.

Au risque de vous laisser repartir avec plus de questions que de réponses, je vais m’appliquer à vous tracer les quelques enseignements qui sont ressortis de ce travail : Quel est le coût d’un scénario ? Combien cela représente de CO2 ? Est-ce compatible avec les ressources fossiles ? Le scénario est-il transparent sur les hypothèses utilisées ? A défaut de réponses, au moins ressortirez-vous avec quelques clés de lecture !


Informations pratiques :

LIEU : ASIEM, 6, rue Albert de Lapparent, Paris 75007, M° Segur, ligne 10
HORAIRE : 19h00 à 21h, accueil à 18h30
Participation sur place : 15 euros ; Etudiants : 5 euros, avec pour tous un rafraichissement à 21h
Pour vous inscrire à la CONFERENCE, merci de remplir le formulaire accessible en cliquant sur le lien ci-après : inscription à la conférence
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TEDx ESCP le 25 février 2012

 
 
Paris, France – Des élèves de l’ESCP Europe organisent le premier événement TEDx en partenariat avec une grande école parisienne.  Nom de l’événement : TEDxESCP (x = événement organisé indépendamment). L’événement aura lieu le 25 Février 2012 sur le campus parisien de l’ESCP Europe.
 
“Intervenants qui donnent le speech de leur vie en 12 minutes” – Tel est le concept désormais populaire de TED, initié en 1984 en Californie. Le dernier événement TED qui a eu lieu à Paris a affiché complet 10 minutes après l’ouverture de la billeteie en ligne (400 places, comme TEDxESCP). Pourquoi un tel engouement pour une conférence ?
 
“Des idées qui méritent d’être diffusées » – voici le slogan de TED (Technology, Entertainment, Design). Aujourd’hui, TED diffuse des milliers de ces idées sélectionnées au travers de speech vidéo accessibles sur TED.com. On y retrouve des intervenants éminents comme Al Gore, Bill Gates ou Bill Clinton.
 
La communauté TED ne se limite désormais plus aux frontières de la Californie. Des événements TEDx organisés indépendamment s’organisent de plus en plus fréquemment dans le monde entier. Ils sont organisés par des volontaires passionnés d’une même ville ou université. On citera par exemple TEDxBrussels, TEDxOxford, TEDxYale, TEDxStanford., etc.
 
L’événement TEDxESCP a été initié par Johannes BITTEL, il a très vite été rejoint par une grande et belle équipe dynamique d’élèves de l’ESCP Europe. « J’ai toujours trouvé que l’ESCP Europe, avec ses 5 campus à Paris, Londres, Berlin, Madrid et Turin,  incarne la même ouverture d’esprit et volonté de transmettre des idées que TED. Cette école est le lieu idéal pour organiser un événement TED. » dit Johannes Bittel.
 
Le thème de l’événement est “Make the Difference” soit “Faire la différence”. Les intervenants présenteront dans quelle mesure leurs domaines d’activité – médias, production de film, neuroscience, chirurgie reconstructrice, logiciels, marketing, industrie de la mode – “fait la différence“ et influence réellement la vie des gens. Comme vous pouvez le constater, les interventions TED dites « TED Talks » couvrent des domaines d’activité bien plus larges que la Technologie, le Divertissement et le Design.
 
Les interventions de TEDxESCP seront en Français et en Anglais, selon les origines des intervenants. « Nous sommes fiers de recevoir un nombre exceptionnel de personnalités, certains parlent anglais et d’autres français » explique Johannes Bittel, l’organisateur de l’événement. « En offrant à chaque intervenant le choix de la langue, nous assurons une certaine qualité de courtes et pertinentes interventions ».
 
Réservez votre ticket en ligne sur www.tedxescp.com
Prix des tickets : 50 €  Tarif réduit pour les étudiants : 25 €
Plus d’informations sur www.facebook.com/tedxescp
 
Contact presse :
Johannes Bittel, President and Founder: 0625745111 – johannes@tedxescp.com
Gianluca Uberti, Event Manager: gianluca@tedxescp.com
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Les bonnes résolutions

Mon cher blogounet, si je devais prendre une seule résolution cette année, ce serait de m’occuper un peu plus de toi. Dernier article : avril 2011… Quelle flemme ! Objectif 2012 : un article par mois (en plus des 100 km à la nage et des 500 km de running et quelques autres broutilles…). Moi qui n’ai jamais pris de bonnes résolutions en début d’année, qu’est-ce qui se passe ? Mon pote Giao me disait que c’est l’année de ses quarante ans qu’il s’est fixé des objectifs de fou pour la course (2010 km en 2010, et il a dépassé l’objectif !). Il doit y avoir de ça.

La recette pour tenir un blog, tous les blogueurs vous le diront (cette recette que je n’ai pas trop appliquée l’année dernière, donc), c’est de ne pas se poser trop de questions et d’écrire ce qui vous vient à l’esprit, sans attendre. Alors, hop là ! (comme diraient les alsaciens), bonne année mon cher blog et à très vite pour la suite !

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BarCamp Eco-conception Paris 2011

A la suite du reportage d’Arte “Prêt à jeter”, sur l’obsolescence programmée, nombreux sont ceux qui ont été dégoûtés par ce qu’ils avaient appris. Afin de ne pas en rester là, ceux qui souhaitent prolonger le débat peuvent rejoindre le barcamp qui aura lieu le 13 avril 2011 après-midi au CNAM de 14h à 19h. Inscriptions et informations complémentaires sur le site barcamp.org.

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Nigel Marsh: How to make work-life balance work

Un petit break pour repenser sa vie (la crise de la quarantaine pour Nigel Marsh également?)


La transition vers un monde viable passera nécessairement par des changement volontaires de comportements individuels. La société de consommation n’est pas viable ? Ça tombe bien : de toute façon, elle ne procure pas de satisfaction.

J’aime bien cette phrase de Nigel Marsh (2’40) :

“There are thousands and thousands of people out there living lives of quite screeming desperation, where they work long hours on jobs they hates, to enable them to buy things they don’t need to impress peole they dont’ like”.

Je en sais pas s’il a copié sur Tim Jackson ou si c’est le contraire, mais les deux se connaissent forcément ! (7’00):

“It’s a story about us, people, being persuaded to spend money we don’t have on things we don’t need, to create impressions that won’t last on people we don’t care about.”

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Tim Jackson : Prospérité sans croissance

S’il est un livre à lire cette année, c’est celui de Tim Jackson : « Prospérité sans croissance ». Tim Jackson est un économiste reconnu et c’est probablement ce qui fait de son ouvrage un vrai pavé dans la marre, qui va éclabousser un paquet de théories économiques classiques. Il n’envisage pas d’ajuster à la marge l’économie pour y intégrer un peu de verdure, il propose plutôt un changement radical de paradigme et élabore un modèle économique complet pour remettre l’économie au service de la société.

L’ouvrage est composé de 12 chapitres développant chacun une notion bien précise et nous amenant progressivement à percevoir l’articulation globale de la pensée de l’auteur. Je vais tâcher de retranscrire chacun de ces chapitres pour donner une vision d’ensemble du travail. Ça va être un peu long, j’en suis désolé.

Chapitre 1 : La prospérité perdue
Le premier chapitre constitue une sorte d’introduction dans la mesure où il annonce ce qui sera développé par la suite, ce qui peut se résumer par : « concilier la “vie bonne” et la finitude ». Dans notre paradigme actuel, on confond prospérité et croissance du PIB. Mais est-ce encore valable quand tous les besoins fondamentaux sont assouvis ? Et que fait-on des inégalités ? Les pays développés sont « un ilot de richesse dans un océan de pauvreté ».

L’auteur étudie ensuite quatre occasions qui se sont présentées aux hommes pour appréhender les limites de la planète :
1) Malthus : il pose des problèmes intéressant, mais il s’est trompé sur deux points : il n’a pas pris en compte le problème des inégalités et a sous-estimé la croissance de l’économie (l’économie actuelle est 68 fois plus grande que l’économie de 1800).
2) Le rapport au club de Rome de Meadow, malgré la simplicité de ses modèles, a fait de très bonnes prévisions.
3) Le pic-oil, les terres productives et les minéraux
4) Le changement climatique : l’auteur évoque les messages d’alerte de James Hansel et de Nicolas Stern.
Le système atteint ses limites et il va être difficile de découpler.

Chapitre 2 : L’âge de l’irresponsabilité
Tim Jackson fait une analyse de la crise financière de 2008 :
– Le labyrinthe de la dette (dette des particuliers, dette publique et dette extérieure) ;
– La création monétaire ;
– La titrisation, promue par Alan Greenspan, qui a contribué à masquer la gravité de la situation. Ce dernier a été « choqué » que les marchés n’aient pas fonctionné comme prévu.

Pourquoi « l’âge de l’irresponsabilité » ? Parce que, comme l’observait le PDG de Citibank, « quand la musique s’arrêtera, en termes de liquidités, les choses deviendront compliquées. […] Mais tant que la musique continue, il faut se lever et danser. Nous dansons toujours. »

S’ajoute la dette écologique : l’aveuglement de long terme est le même quand il s’agit de gérer la dette écologique et les dettes financières.

Chapitre 3 : Redéfinir la prospérité
Les humains ont besoin de quelque chose de plus que la sécurité matérielle pour s’épanouir. Amartya Sen définit trois besoins :
a) Opulence (satisfaction matérielle, il y a un effet de seuil),
b) Utilité (la quantité n’est pas la qualité, la relation PIB-Bonheur n’est pas linéaire)
c) Capabilités d’épanouissement (mais ces capabilités sont limitées pas les capacités de la planète).

Chapitre 4 : Le dilemme de la croissance
La croissance est-elle une condition nécessaire à l’épanouissement ? La réponse à cette énigme se trouve dans les travaux des anthropologues sur « le langage social des objets ». La « concurrence positionnelle » a quelque chose du jeu à somme nulle, mais réduire les inégalités présente un bénéfice qui va au-delà d’un gain pour les plus défavorisés uniquement.

La croissance est-elle corrélée aux droits élémentaires ? En étudiant les courbes représentant l’espérance de vie, la mortalité infantile ou le niveau d’enseignement en fonction du PIB sur l’ensemble des pays, on voit que la corrélation n’est pas évidente.

La croissance est-elle la condition de la stabilité économique et sociale ? Tant que les gains de productivité, à défaut d’être compensés par la croissance, se traduisent en augmentation du chômage, la réponse est oui.

En clair : dans une économie fondée sur la croissance, la croissance est essentielle pour la stabilité.

Le dilemme est le suivant : la croissance est non soutenable (du moins dans sa forme actuelle) et la décroissance est instable (du moins dans les conditions actuelles). Mais ne pas vouloir le résoudre constituerait la pire des menaces.

Chapitre 5 : Le mythe du découplage
Il faut distinguer le découplage relatif et absolu. Le découplage relatif, c’est faire plus de PIB additionnel pour une même empreinte additionnelle. Cela n’exclut pas l’effet rebond. Le découplage absolu, c’est faire monter le PIB tout en faisant baisser l’empreinte globale en valeur absolue. Et c’est beaucoup plus dur !!!

Equation d’Ehrlich se pose ainsi :
Impact = Population × Abondance (revenu par tête) × Facteur technique

Chapitre 6 : la « cage de fer du consumérisme »
Le moteur de l’économie dans notre société de consommation est basé sur l’innovation d’un côté et une logique sociale de différentiation de l’autre. Il existe différents types de capitalismes mais ils ont tous en commun la propriété privée (en majorité) des moyens de production.

Le moteur de la croissance dans les économies de marché est résumé dans le schéma suivant :

Le moteur de la croissance dans les économies de marché

La part que les ménages ne dépensent pas, l’épargne, sert à être investie (éventuellement via un intermédiaire comme une banque) dans les entreprises (c’est le capital) dans le but de faire des gains de productivité sur les deux autres facteurs de production que sont le travail et les ressources. Lorsqu’il faut choisir entre ces deux facteurs, le prix relatif du travail humain pèse lourd dans la balance et on préfère investir dans les machines. Si la production n’augmente pas d’autant, les gains de productivité se transforment en chômage. L’économie est donc condamnée à une course en avant perpétuelle…

L’obsolescence programmée, l’accélération des cycles d’innovation et le marketing sont les conditions de survie du système.

Chapitre 7 : Le keynésianisme et le « New Deal Vert »
Pour relancer la croissance, plutôt que de compter sur la dette ou une redistribution massive des richesses, ce chapitre dessine les contours d’un « New Deal » vert consistant en des dépenses publiques ciblées et ayant un sens pour l’avenir. Les emplois créés contribuent à la reprise et les richesses produites ont des retombées en termes de bien-être pour tous.

Ceci dit, la reprise, c’est le retour au Business As Usual. Elle a beau être verte, à long terme, elle n’est pas durable. Il faut maintenant créer une vision d’une économie qui génère un découplage absolu. On arrive au chapitre 8 et c’est seulement à ce moment que les choses sérieuses commencent. Les 7 premiers chapitres n’étaient que la déconstruction d’idées reçues et la mise en place d’un cadre de pensée basé sur de nouveaux indicateurs.

Chapitre 8 : Une macroéconomie écologique
On repart de zéro : on redonne la – ou plutôt les – définitions du PIB et on analyse ses limites. On rappelle la définition, en économie classique, de la « fonction de production » (qui prend en compte le travail et le capital mais qui oublie les ressources).

Baser l’économie sur les services ? On a vu ce que cela a donné dans les pays de l’OCDE : la baisse de l’activité manufacturière a occasionné une délocalisation de l’industrie vers les pays en développement et l’expansion des services financiers pour les payer. Il faut encore savoir ce qu’on entend par services : les services à la personne, les cours de yoga ou la coiffure ne sont pas de la même nature que le marketing, la communication ou la finance. L’économie de fonctionnalité va également dans le sens de plus de services rendus pour moins de flux de matières.

Les initiatives isolées de décroissance ou de simplicité volontaire, que Tim Jackson appelle l’économie « Cendrillon » montrent que d’autres voies sont possibles.

Les activités de service à la personne ont vu leur productivité décroitre dans presque tous les pays européens. Si nous commençons à basculer en masse vers ce type d’activité, il est possible que la croissance soit largement ralentie. Mais c’est surtout une question d’indicateur et ce n’est pas forcément un problème. Si on y réfléchit bien, il est assez logique que ces activités ne fassent pas de gains de productivité : dans la plupart des cas, l’apport humain est ce qui fait leur valeur ajoutée.

Les gains de la productivité ou une récession se traduisaient jusqu’ici par du chômage. Il faut s’autoriser à jouer sur un autre levier, le temps de travail, et privilégier une répartition plus équitable du travail disponible plutôt qu’une réduction du nombre de travailleurs. Cette option a été choisie par l’économiste écologique canadien Peter Victor, dans un scénario de croissance faible ou nulle pour l’économie canadienne.

Des investissements importants sont à faire dans les domaines de l’efficacité énergétique, des technologies propres et dans le capital naturel. Il faut les faire au bon rythme : assez vite pour ne pas hypothéquer les ressources mais pas trop pour ne pas mettre l’économie à genoux. L’Etat aura certainement un rôle renforcé en termes d’investissement de propriété des actifs. Que cet investissement génère ou pas de la croissance n’est pas la question.

Chapitre 9 : L’épanouissement – dans certaines limites
Chapitre piège que celui-ci puisqu’il aborde ce qu’il faudrait changer dans la nature humaine pour accompagner les changements proposés. Cependant, l’auteur évite de tomber dans le piège et aborde le sujet avec un travail de fond, très documenté et très inspiré.

La société occidentale est en proie à une « récession sociale ». Le sentiment d’appartenance à une communauté s’affaiblit. Les sociétés les plus inégalitaires connaissent les niveaux d’anxiété les plus élevés. En termes de consommation, il n’existera jamais aucun seuil à partir duquel nous serons en mesure de nous dire qu’ « assez est assez ».

Cependant, on voit apparaître de nouveaux modes de vie, plus frugaux, plus basés sur des valeurs intérieures que sur la consommation de biens. Mais les adeptes de cette simplicité volontaire vivent un conflit intérieur car ils vont à l’encontre des valeurs de leur milieu social. Il ne faut pas négliger ces difficultés.

Chapitre 10 : Une gouvernance pour la prospérité
S’il y a une idée à retenir de ce chapitre, c’est que l’Etat joue un rôle, qu’il le veuille ou non, dans l’orientation de la logique sociale. La question de sa légitimité pour initier les changements qui sont l’objet du chapitre précédent ne doit donc pas être taboue.

Chapitre 11 : La transition vers une économie durable
Douze recommandations sont exposées ici. Toutes ne peuvent pas être réalisées unilatéralement, mais aucune d’entre elles n’est sans précédent et on peut trouver des points de contact avec des initiatives existantes.
1) Etablir les limites en termes d’émissions de GES
2) Instaurer une fiscalité écologique
3) Soutenir la transition dans les pays en développement
4) Développer une théorie macroéconomique écologique
5) Investir dans l’emploi, les actifs et les infrastructures
6) Accroître la prudence financière et fiscale
7) Réviser les comptes nationaux
8) Changer la politique du temps de travail
9) Lutter contre les inégalités systémiques
10) Mesurer les capacités d’épanouissement
11) Renforcer le capital social
12) Démanteler la culture du consumérisme

Chapitre 12 : Une prospérité durable
Ce dernier chapitre fait office de conclusion dans la mesure où il résume les principales idées abordées, mais surtout il achève d’assembler entre eux les morceaux du puzzle qui a été patiemment élaboré tout au long de l’ouvrage.

L’illusion consumériste relève de mécanismes mentaux très puissants et difficiles à faire tomber. Il faut voir la prospérité comme la capacité à nous épanouir en tant qu’êtres humains (à l’intérieur des limites écologique d’une planète finie) : une participation à la vie de la société, un certain degré de sécurité, un sentiment d’appartenance, la capacité de partager une entreprise commune, le développement de notre potentiel individuel d’être humain.

L’économie de l’épanouissement et ses frontières naturelles

Ce nouveau modèle économique implique-t-il la fin du capitalisme ? Il est clair que les investissements écologiques avec de mauvais rendements financiers seront pris en charge par l’Etat (dans la mesure où les bénéfices ne sont pas captés par le détenteur du capital, mais ils sont collectifs). La question n’est pas « pour ou contre le capitalisme ? », mais « combien de capitalisme ? ». Et Tim Jackson de citer Spoke dans Star Strek : « C’est du capitalisme, Jim, mais pas comme nous le connaissons ».

Conclusion

Tim Jackson signe un ouvrage qui a commencé à faire du bruit et qui doit continuer à alimenter les réflexions des décideurs. On peut regretter qu’il n’accorde pas plus d’importance à une vision globale de la question (à plusieurs moments, les chiffres ne concernent que le Royaume Uni, à d’autres, les raisonnements ne sont valables qu’à l’échelle d’un pays en concurrence avec le reste du monde). On peut aussi être frustré de la trop petite part accordée à l’analyse de la crise financière et à la critique des solutions apportées (pour cela, il faudra lire « le triomphe de la cupidité » de Joseph Stiglitz).

Toi l’internaute qui auras lu ces lignes jusqu’au bout, j’espère que tu ne considéreras pas cet article comme un moyen de ne pas lire le livre, mais qu’au contraire, tu auras envie de l’acheter immédiatement sur Amazon ou à la FNAC. Bonne lecture !

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Ma petite contribution au Jury du Millénaire

J’ai eu le plaisir, en tant que blogueur, d’assister jeudi dernier à la projection des films sélectionnés dans le cadre du festival “le temps presse”. Mes devoirs du WE sont de sélectionner trois films parmi les 16 que nous avons visionnés. Comme ils étaient très différents, j’ai beaucoup de mal à les ordonner.

N°1 : Amal de Ali Benkirane

Amal est une jeune marocaine d’une dizaine d’année qui voudrait être médecin. Elle s’amuse à utiliser son stéthoscope sur son petit frère. A l’école, le maître l’encourage et lui dit qu’il aimerait par dessus tout la voir revenir dans quinze ans avec son diplôme. Mais on comprendra à la fin que ce rêve va se briser. Le jeu est juste. L’émotion est bien traduite. Le message est clair et magnifiquement porté : le problème de l’éducation dans les pays en développement est crucial.

N°2 : Titanic de J.B Nicolas&F.Tapiro

Il ne s’agit pas d’un film amateur, il a bénéficié de moyens importants, mais je le trouve toujours aussi efficace.

N°3 : Dimanche d’Oscar Lalo

Un petit film avec un petit budget et qui a misé avec humour sur ce manque de moyens. Il m’a beaucoup fait rire, donc le voici en troisième choix.

Voilà, c’est rapide, mais c’est fait !

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Climate Challenge : un jeu interactif sur le climat

Climate Challenge

J’ai découvert récemment ce petit jeu interactif développé par la BBC: Climate Challenge.

Vous avec en main un certain nombre de cartes qui sont autant de mesures que vous pouvez décider de prendre. Pour chacune, vous connaissez les conséquences attendues en termes de CO2, leur impact sur l’eau ou la nourriture, mais surtout, leur coût et leur popularité. Après avoir arbitré entre les différentes solutions, vous découvrez (après coup !) les conséquences sur votre cote de popularité.

C’est très instructif car vous comprenez les interactions entre tous les éléments du système (pollution, eau, alimentation, santé, budget, etc.). Les négociations internationales sont également abordées et le regard de la presse sur les vos décisions ponctue la partie.

Pour ma part, j’ai décidé de sauver le climat, mais je l’ai payé au prix fort: perte totale de popularité et des conséquence pas jojo en termes de richesses. J’ai bien peur que ce simulateur comporte un bonne part de réalisme !

A vous de jouer !

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Carpe Vinum n°21

La nouvelle mouture de Carpe Vinum est sortie : le numéro 21 porte sur la Gironde – vous risquez donc fort de déguster des Bordeaux… ;-)
Elle a surtout été complètement revue en termes de packaging. Elva Issa, qui a repris l’affaire au début de l’année s’en est très bien sortie et est en train de redonner un second souffle au concept. Rien ne pouvait me faire plus plaisir. Je lui souhaite bonne chance et bon vent dans cette nouvelle aventure !

Quant aux adeptes du concept, je les incite à se ruer sur le nouveau numéro sur la boutique du site de Carpe Vinum.

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Ignite Paris #8 Dune

Hier a eu lieu le huitième Ignite à Paris au café Dune. Phil Jeudy n’a pas pu être des nôtres, mais il nous a envoyé une petite vidéo. Pour ma part, j’ai présenté un sujet qui m’a perturbé quand j’étais étudiant en prépa (c’est vraiment une question que je me suis posée !) : comment concilier l’approche de la musique par les harmoniques et la gamme chromatique de 12 demi-tons de même rapport de fréquence sur un octave… dans un cas, on obtient des rapport sous forme de nombres rationnels (p/q), dans l’autres des racines douzièmes de deux qui sont des nombres irrationnels. Totalement incompatible !

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CarbonCamp Paris 2010 le 19 octobre 2010

Attention, plus que quelques places pour le CarbonCamp de mardi prochain, 19 octobre, à 14h30 à la Cantine. Faites passez l’info ! (Entrée gratuite, inscription obligatoire sur barcamp.org).


Barcamp Carbone Paris 2010
envoyé par cedringen.

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The Shift Project

Il y a maintenant trois mois, j’ai eu l’immense plaisir et honneur de me voir confier par Jean-Marc Jancovici la direction du Think Tank qu’il était en train de lancer. Je peux aujourd’hui en dévoiler le nom : The Shift Project. Il s’agit d’un organe de lobbying qui traite des sujets du changement climatique et de la contrainte énergétique.

C’est une chance incroyable que de pouvoir travailler sur ce sujet qui me tient à coeur depuis plusieurs années, d’être payé pour cela, et d’avoir en outre des moyens significatifs pour le faire.

Une nouvelle aventure qui démarre, donc, passionnante et enthousiasmante, et dont vous pourrez suivre le déroulement en partie ici, en partie sur le blog du “Shift” d’ici quelques jours.

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Ellen Mac Arthur, héroïne de la mer et de l’écologie

J’ai eu l’immense honneur d’être invité au lancement de la Fondation Ellen Mac Arthur jeudi dernier. Dans un amphithéâtre bondé de près de 500 personnes, entre deux projections de vidéos, la célèbre navigatrice nous a expliqué comment elle avait décidé de faire de la voile son métier, puis comment, au détour d’une escale sur une île qui avait connu l’industrie de l’huile de baleine avant d’être abandonnées, elle avait pris conscience que quelque chose clochait dans notre mode de fonctionnement : nous allons quelque part, nous prenons ce qu’il y a à prendre, puis nous laissons tout en plan et partons pour piller les ressources un peu plus loin…

A bord de son bateau, elle a appris à n’emporter que l’essentiel. Sur la terre, qui est également un espace fini, pourquoi n’en serait-il pas de même ? Pourquoi ne faudrait-il pas également optimiser l’utilisation de la moindre goutte de pétrole, de chaque kW.h et du dernier bout de plastique ?

Ellen a passé plusieurs années à se renseigner sur le problème des ressources finies, au premier rang desquelles l’énergie, elle a rencontré les plus grands experts, lu tout ce qu’elle trouvait et décidé de se consacrer à ce sujet. Elle a donc monté cette fondation, suivie par quatre mécènes et ce que j’apprends alors me fait l’effet d’une grande claque dans la figure :

…afin de pouvoir se consacrer entièrement à sa fondation, Ellen Mac Arthur arrête la voile !

J’imaginais qu’elle allait, comme Nicolas Hulot à la FNH,  passer de temps en temps pour veiller à la stratégie. Non, non. Elle a décidé d’arrêter la course à la voile pour sensibiliser les entreprises, les décideurs et le public qu’il faut repenser l’économie, qu’il faut “repenser le futur”.

Alors, Ellen, bon vent pour cette nouvelle aventure. Tu vas faire un carton, j’en suis persuadé !

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